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Les Jeux de l’amitié, le grand rendez-vous sportif voulu par la Russie, n’aura pas lieu cette année

Des athlètes originaires de près de 70 pays à travers le monde concourant dans 36 sports – olympiques ou non –, plus de 7 000 volontaires et 21 sites de compétitions répartis sur deux villes, Moscou et Ekaterinbourg, dans la région de l’Oural. Les Jeux de l’amitié se voulaient comme « un nouveau chapitre dans l’histoire du sport ». Ils étaient surtout un moyen pour la Russie de se replacer au centre du jeu, après sa mise au ban dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022.
Mais le rendez-vous, initialement prévu du 15 au 29 septembre, n’aura pas lieu. Du moins, pas cette année. La raison ? L’Association internationale de l’amitié, chargée de son organisation, a invoqué, dans un communiqué publié le 30 juillet, « le manque de temps de récupération pour les athlètes de haut niveau participant à des compétitions internationales majeures durant l’été 2024 ». Aux Jeux olympiques, en l’occurrence, qu’il s’agissait de concurrencer, sans jamais le verbaliser explicitement.
L’annonce est tombée alors que le monde avait les yeux rivés sur Paris, où la fête planétaire du sport venait justement de démarrer sans représentant russe, ou presque, quand ils étaient environ 330 à Tokyo, en 2021. En cause, les conditions drastiques qui leur étaient imposées par le Comité international olympique (CIO), alors que la guerre continue : pas de défilé aux cérémonies d’ouverture et de clôture, participation sous la bannière « athlète individuel neutre », ni drapeau, ni hymne, et interdiction de porter des équipements aux couleurs nationales – les équipes, elles, étaient exclues d’office.
Les sportifs en question devaient, en outre, ne pas avoir soutenu l’offensive en Ukraine, être liés à l’armée ou faire partie d’une agence de sécurité nationale. La Biélorussie, alliée de Moscou, était soumise au même sort.
Impensable pour certains. Plusieurs fédérations russes, dont celles de judo et de lutte, ont ainsi renoncé à faire voyager leurs compétiteurs en France. Au bout du compte, seuls quinze athlètes « neutres » du pays étaient des Jeux olympiques, avec un bilan famélique : une deuxième place, à l’issue du tournoi de double dames de tennis. Loin des standards habituels de la Russie, cinquième au tableau des médailles au Japon, en 2021, avec 71 récompenses, dont 20 en or.
Le report des Jeux de l’amitié apparaît, à certains égards, comme une victoire pour le CIO, qui n’avait pas caché son hostilité au projet. « Aucun d’entre nous ne doit participer de quelque manière que ce soit à de tels événements prétendument sportifs, à visée politique », avait lancé son président, Thomas Bach, à l’adresse du mouvement olympique lors du Forum des fédérations internationales, à Lausanne (Suisse), en novembre 2023.
Une autre initiative portée par le Kremlin, les Jeux des BRICS, organisés en juin à Kazan en Russie, du 12 au 24 juin, avait déjà connu un bilan plus que mitigé : seules 82 délégations, sur les 90 annoncées, avaient pris part à l’événement dans la capitale de la République du Tatarstan, dont certaines représentant des territoires non reconnus, comme les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, occupées par la Russie. Surtout, le niveau inégal des concurrents s’était ressenti tout au long des épreuves, les hôtes se retrouvant parfois seuls sur le podium, faute d’adversaires compétitifs.
De quoi raviver le souvenir de 1984, quand, en pleine guerre froide, l’Union soviétique et huit de ses alliés communistes – ayant renoncé aux Jeux de Los Angeles – avaient tenu leur propre rendez-vous multisport, déjà appelé Jeux de l’amitié. Quarante-neuf nations y avaient été présentes, mais seules celles ayant boycotté la grand-messe californienne avaient aligné leurs meilleurs athlètes, les autres envoyant des équipes réserves.
Dans son communiqué du 30 juillet, l’Association internationale de l’amitié a fait valoir que le report du rendez-vous « permettra d’établir une liste de participants plus représentative ». Sans quoi, ce « nouveau chapitre » souhaité par Moscou se heurtera, encore, au principe de crédibilité.
Aude Lasjaunias
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